Article La Nouvelle République: Un opus inspiré à consommer sans modération

La Nouvelle Republique
La Nouvelle Republique

Le nouvel opus de Cheikh Sidi Bemol est arrivé dans les bacs cette semaine. Une bonne nouvelle pour les innombrables fans du Cheikh. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, une tournée promotionnelle conduira l’artiste, au mois de mai prochain, sur quelques scènes algériennes, histoire de jauger la réaction du public.

Pour avoir déjà eu le plaisir d’écouter les 11 titres en boucle, je dois vous dire que Paris-Alger- Bouzeguène est un pur plaisir sur lequel devrait se ruer tous ceux qui aiment aller à la découverte de nouvelles sonorités. Eh oui, le Cheikh a, encore une fois, fait fort, en nous servant des mélodies s’inscrivant à mi-chemin entre le berbère, le celte et le groove, fusionnant dans une quasi-perfection le moderne et le traditionnel. Et quand, en plus, sa voix grave vient se poser sur des mélodies qui happent votre ouïe, vous ne pouvez que vous évader vers des ailleurs où sont réunis, nostalgie, rêverie ou amour.
C’est par une très belle ballade intitulée Oussan et qui se veut un hommage au père de l’auteur, Mohand Saïd Boukella, que nous entamons le voyage. Cheikh Sidi Bemol, Hocine Boukella à l’état civil, nous plonge dans des souvenirs lointains, assistant impuissant à l’égrènement du temps et au départ des anciens. Usant de bendirs, de flûte et de violon, il donne à ce titre un air grave et triste à la fois.
Avec Swa-swa, changement de rythme. «Sur les pentes de l’Akfadou, il y a un village plus heureux que tous les autres. Ce n’est pas sa fontaine, ses oliviers, ses vergers ou ses maisons basses qui le singularisent, ni le beau panorama qui l’entoure. Simplement, le sourire des filles y est tellement radieux qu’il enchante et rend joyeux». Morceau très entraînant, Swa-swa nous est servi avec un beau zeste de guitare antillaise, ce qui inscrit cette chanson dans un répertoire aussi festif qu’enjoué.
Sur Timimoun, Cheikh Sidi Bemol nous immerge dans notre patrimoine immatériel, en l’occurrence l’Ahellil du Gourara et le parler des Zenata. Guitare et tbel donnent un rythme lancinant, quant aux choeurs, ils convient à un rassemblement, au oe?ur de cette cité rouge. La fin du morceau est paroxystique, puissante.
Telha est avant tout, une très belle poésie que trois poètes inspirés ont écrite, à savoir Abdennour Djemaï, Hicham Takaoute et Hocine Boukella. C’est l’histoire d’un coup de foudre entre un jeune joueur de flûte et une belle jeune fille qui s’en va à la fontaine pour remplir sa cruche d’eau fraîche. Si le prélude, en arabe dialectal, nous fait voguer sur une frêle embarcation, prise sur des flots inquiétants, la suite nous fait rêver à une histoire d’amour, sans doute banale mais qui fait sourire.
Dans Tchina, déjà entendue sur deux précédents albums (ElBandi et Thalweg), le plaisir de l’écoute est encore une fois renouvelé. Sorte de ritournelle, où les paroles sont -tout de même- porteuses d’un message profond, Tchina se fond dans un très beau morceau de musique traditionnelle écossaise : The Blackthorn Stick, exécuté, ici, à la mode algérienne avec un renversement binaire ternaire dans le pur style chaâbi. Quant aux solos de violon et de saxophone, belle incursion dans le rythme tzigane, ils viennent comme pour compléter le tableau. Imaginez donc : le temps, pas si lointain, où les vergers et les champs côtoyaient la capitale. Nostalgie, nostalgie ! Avec la contribution efficace et efficiente de Karim Branis, l’un des membres essentiels du groupe rock des années 1970, «Les Abranis », le 7e titre, ressemble à s’y méprendre aux morceaux de ce groupe. Hommage ou clin d’oeil ? La chanson marque car elle porte un message fort. On retrouve dans Bouzeguène, le son des idebbalen, habillé progressivement par les cordes et les claviers, il chute sur un morceau de guitare exécuté avec maestria par Abdenour Djemaï. Un régal.
Magali & Moqran sont les deux protagonistes du 9e morceau. Elle est native de Douarnenez, lui, de Tizi-Ouzou. Leur rencontre à un concert de musique bretonne donne naissance à une histoire d’amour. Cornemuse, violon, flûte, mettent en musique cet élan amoureux, pour le plaisir de l’oreille. Dans Trig Stif, les musiciens se lâchent complètement, donnant l’impression d’un boeuf. Même si le morceau est loin d’être improvisé.
Enfin, Win a Win, évoque l’enfance avec toutes ses illusions. Un titre sombre aux sons du banjo, du violon et du saxophone Au coeur de tout ce melting pot musical, où les textes sont chantés en kabyle, en arabe, nous nous abreuvons avec délice dans la musique des roots. Une invite au ressourcement que nous acceptons avec plaisir !
Paris-Alger-Bouzeguène, est en vente chez tous les bons disquaires. A consommer sans modération !
Hassina A.