El Watan: Sidi Bemol à la découverte de l’Ahaggar

 

El Watan du 23/12/2014
El Watan du 23/12/2014

Sidi Bemol revient avec un nouvel album parfumé de sonorités indiennes.

Pour son premier concert à Tamanrasset, Sidi Bemol, qui n’est plus cheikh, a retrouvé une nouvelle jeunesse et du tonus. Hocine Boukela et sa tribu ont fait sensation lors de la troisième soirée du 7e Festival national de la chanson et de la musique amazighes qui se déroule à la placette du 1er Novembre de la capitale de l’Ahaggar jusqu’au 25 décembre.

Accompagné notamment de Abdelnour Djemaï à la guitare, Damien et Maxim Fleau respectivement au saxophone et à la batterie, Hocine Boukela a présenté un concert riche en sonorités, en mélodies, en découvertes et en surprises. Il a notemment chanté des extraits de son dernier album Afya.Comme il interprété des titres connus de son répertoire comme Tchina, L’bandit, Makayen walou khir mel l’amour, Le virage.

Il a rendu hommage aussi à Slimane Azem en interprétant la chanson Laâkel. «Slimane Azem a fait un travail gigantesque en faveur de notre culture. Ce qu’il a fait devrait être enseigné dans les écoles. Cela me blesse beaucoup de savoir que cet artiste est enterré en France après avoir vécu en exil. Slimane Azem a été également interdit à la radio algérienne. Il a eu beaucoup de succès artistiques dans sa vie, mais beaucoup de tristesses aussi», a déclaré Hocine Boukela après le spectacle.

Tamanrasset est une découverte pour lui. «Je retiens toujours l’image du paquet de cigarettes Hoggar. Tam est une ville cool, où l’ambiance est tranquille. Une ville cosmopolite. Les gens y sont mélangés. Cela fait plaisir.(…) Parler en arabe, en kabyle, en targui et français ne pose pas de problème, c’est une richesse pour nous. Nous sommes rassemblés dans la diversité», a-t-il soutenu. Sidi Bemol vient de sortir un album participatif ? Signe du déclin de l’industrie du disque ? «J’ai sorti les deux volumes de Izlan ibahriyen en France en 2013. Et, en même temps, on avait commencé le projet Afya.

Après, on s’est rendu compte qu’on n’avait plus d’argent pour finir cet album. Nous avons lancé un financement participatif et ça a très bien marché. La tribu est fidèle. Et je remercie tout le monde d’y avoir participé», a déclaré Hocine Boukela. L’album Afya, sorti cette année, est marqué par fusion avec des musiciens du Rajastan indien. «Nous avons rencontré ces musiciens à Alger lors d’un concert à la salle Ibn Zeydoun. Ce qui est curieux, c’est que ces musiciens ne connaissaient pas la chanson du film Janitou qui leur a été demandée par le public. Comme j’ai appris par cœur cette chanson, je les ai aidés à l’interpréter sur scène.

C’est de cette manière que nous avons fait connaissance. Aller vers le mélange est ma philosophie. Je m’éloigne le plus possible de la pureté exclusive. J’aime bien que les musiciens se rencontrent. Et j’aime bien découvrir. A chaque fois que j’écoute quelque chose de nouveau, j’essaye de la faire découvrir au public en chanson», a confié Hocine Boukela. L’auteur, compositeur, chanteur et musicien est inspiré par tout. «Je peux m’inspirer d’une simple discussion avec une personne dans la rue pour élaborer un texte. Idem pour la musique. Il y a par exemple une chanson turque dans le dernier album.

Je me suis interrogé sur l’héritage turc en Algérie après une longue présence ottomane. J’ai trouvé par exemple : tcharek, bourek, tchabtachak, sandjak, bechmak, baydak…», a souligné Hocine Boukela. Il a invité les jeunes artistes à se faire plaisir. «Il ne faut pas jouer la musique comme on exécute une corvée. Actuellement, nous avons beaucoup de jeunes talents en Algérie. La plupart des musiciens de ma génération étaient autodictates. Avec les moyens technologiques actuels, les jeunes apprenent d’une manière rationnelle la musique. Ils sont formés.

C’est un atout considérable. De notre temps, il fallait galérer pour trouver une partition. Aujourd’hui, avec internet, on trouve cela en un clic», a-t-il relevé. Il a plaidé pour que les jeunes musiciens aient le champ libre aux fins de mieux créer. Saïd Benkhira, natif d’In Salah, au nord de Tamanrasset, s’inspire, lui et les membres de Tikoubawine, son groupe, de l’immensité désertique, des difficultés de la vie au sahara pour composer des chansons à la touche contemporaine.

Tikoubawine (les épées en tamachaq), qui a été créé en 2007, tranche dans le vif à travers une musique dynamique où se retrouve l’esprit rock, reggae et blues. Le tout est servi dans une sauce targuie. C’est du blues targui avec du gros son et une dense rythmique. Tikoubawine est probablement la découverte du 7e Festival national de la chanson amazigh. Le public a adhéré au spectacle de Saïd Benkhira et ses compagnons en reprenant des refrains.

Pourtant, le groupe n’a même produit d’album ! «Nous voulons avoir notre propre style travaillé à partir de ce que nous écoutons. Il faut s’ouvrir, dépasser la guitare (gitara) targuie, aller vers d’autres expressions. Nous faisons de la composition d’une manière collective. Et nous nous apprêtons à engregistrer notre premier album en 2015 aux éditions Padidou Alger, Dirhane (le souhait). Nous sommes aidés par Mme Sellal, de l’association Imzad.

C’est elle qui a pris contact avec l’ONDA (droits d’auteur) pour préprarer l’album», a annoncé Saïd Benkhira. La soirée a été entamée par un mini-récital de Adel Chaoui. Adel Zedira de son vrai nom, Adel a commencé sa vie artistique très jeune dans le chant rahaba, présent dans les Aurès. Il fait actuellement dans le chant chaoui moderne, marqué par une forte présence de la percussion. Adel Chaoui prépare actuellement deux albums.

Fayçal Métaoui

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