Concert: 14/01/17 Sidi Bémol et les Chants Marins au CCA

Izlan Ibahriyen au CCA

Sidi Bémol et les Chants Marins Kabyles accosteront au Centre Culturel Algérien le samedi 14 janvier 2017 à 20h30

Interview de Sidi Bémol dans le cadre de Villes des Musiques du Monde par François Mauger:

Sidi Bémol : « On vit à l’heure des ports virtuels, d’Internet »

Entre Alger et Paris, entre chaâbi et rock, Hocine Boukella, le créateur de Cheikh Sidi Bémol, navigue gaiment. Il explique ici sa très riche relation à la mer, aux ports et aux échanges culturels…

Vous êtes né à Alger à la fin des années 50. Enfant vous vous promeniez sur le port ?

Hocine Boukella : Oui, j’avais la mer toujours en face de moi. On allait souvent au port. On regardait les bateaux qui arrivaient. Plus tard, j’ai fait mes études de biologie au port, justement.

A quoi ressemblait le port d’Alger ?

Hocine Boukella : Il n’a pas beaucoup changé depuis. La ville est face à une baie immense. Le côté gauche de la baie est occupé par le port. Aujourd’hui, c’est un port de conteneurs. Mais, tout à fait à l’extrême gauche, il y a un petit port de pêche, plein de petits bateaux. Le côté droit de la baie est occupé, lui, par une plage.

Pourquoi vos études de biologie ont-elles eu lieu sur le port ?

Hocine Boukella : Je me suis spécialisé en biologie marine. A l’époque, on étudiait la pollution de la baie. On étudiait des échantillons de sédiments, de sable ramassé au fond de la baie. Plus il y avait d’animaux, plus il y avait de vie, mieux ça valait. Quand on faisait des prélèvements dans la baie, ça allait. Mais dans le port, il n’y avait pratiquement aucune vie, c’était pratiquement mort.

Votre musique, le « gourbi rock », semble se nourrir d’influences très variées, de la chanson kabyle au rock. Comment ces musiques vous sont-elles parvenues ?

Hocine Boukella : Plus jeune, j’écoutais beaucoup la radio. A l’époque, ils passaient des musiques qui venaient de partout, notamment du rock : les Stones, les Beatles, Led Zeppelin… Par contre, la musique qu’on écoutait dans le quartier ou en Kabylie était radicalement différente (mais en même temps très proche). C’était beaucoup de musique folklorique, du chaâbi, de la musique kabyle, du melhoun, l’ancêtre du raï… Moi, automatiquement, dans ma tête, je m’amusais à faire la connexion entre ce que j’écoutais à la radio et dans la rue, entre les musiques occidentales et les musiques traditionnelles de chez nous. Je m’amusais à imaginer ce que donnerait une chanson kabyle avec Jimi Page à la guitare. Je me suis toujours intéressé à toutes les musiques qui existent dans le monde…

Vous avez d’ailleurs publié il y a quelques années deux albums entiers consacrés aux « Chants des marins kabyles ». Pouvez-vous nous parler de cette tradition ?

Hocine Boukella : Quand j’ai travaillé, justement, au port d’Alger, on partait en mer pour faire des prélèvements et c’était un pêcheur qui nous emmenait. Lui, il faisait partie d’une famille de pêcheurs depuis plusieurs générations. Il nous chantait pas mal de chansons. C’était le seul endroit où on pouvait entendre ça. Bien plus tard, j’ai appris qu’il y avait des chants de marins kabyles. Beaucoup venaient d’un personnage qui s’appelait Ali Bradley, qui avait beaucoup travaillé sur des bateaux de la marine marchande du début du vingtième siècle. Il avait entendu les chants de marins qu’on chantait un peu partout à l’époque et il s’était amusé à les adapter en kabyle. Il n’a pas laissé d’enregistrement mais ses chants sont restés. Des bribes ont été transmises oralement. A partir de ces bribes, j’ai travaillé avec un poète kabyle, qui s’appelle Ameziane Kezzar, pour reconstituer ces chants. C’est ce qui a donné mes deux albums de chants de marins…

Vous revendiquez également l’influence des musiques celtes. Pourquoi ?

Hocine Boukella : Quand j’écoute le folklore kabyle, algérois aussi, je trouve beaucoup de ressemblances avec la musique celtique. Aussi bien dans les thèmes que dans les rythmes ou les instruments utilisés. Quand j’écoute pour la première fois certaines chansons celtes, j’ai vraiment l’impression d’écouter une chanson kabyle. Cette ressemblance m’a intrigué…

Aujourd’hui, après vous être penché sur la question, comment l’expliquez-vous ?

Hocine Boukella : Je ne sais pas. Il faudrait un travail de recherche plus approfondi sur la façon dont ces musiques ont voyagé…

A propos de voyage, que vous inspire la thématique 2016 du Festival, cette idée de « musiques portuaires » ?

Hocine Boukella : Les ports ont longtemps aidé à la circulation des musiques. Des musiques et des idées. Surtout si l’on parle de la Méditerranée : depuis l’Antiquité, depuis les Phéniciens, les ports y sont les points d’entrée des idées. Les musiques suivent. Les ports ont été très importants. Aujourd’hui, c’est différent bien sûr. On vit à l’heure des ports virtuels, d’Internet. Mais les ports ont longtemps été d’une grande importance musicale. Les grands ports d’Algérie, Alger, Bejaïa et Oran, sont également de hauts lieux de musique. A Bejaïa, il y a toute une tradition musicale. A Oran, c’est pareil. On sent l’influence étrangère sur la musique oranaise.

Centre Culturel Algérien
171, rue de la Croix-Nivert
75015 Paris
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Téléphone: +33 (0)1 45 54 95 31
E-mail: contact@cca-paris.com

Entrée: 15 € billets en vente sur place